samedi 6 juin 2015

La maison abandonnée, troisième partie

Reprenant contact avec la réalité, je donnai d’un coup brusque et sec le panneau faisant office de porte pour qu’enfin se termine cette descente aux angoisses. Sans surprise, il céda rapidement avant de s’affaisser sur le sol provoquant un nuage de poussière. Ma vue s’embrouilla pendant un moment et je dus me voiler le visage pour ne pas la respirer. Tel un rideau de gris, volage et silencieux, la poussière retomba en minces particules sur le plancher du vestibule.

Seul dans ce monde ancestral, je découvris l’étendue de l’abandon qui hantait ces lieux. J’eus un pincement au cœur de voir que la vie pouvait s’éteindre et ne laisser qu’en vestige une ribambelle de souvenirs éteints. L’homme n’aime que son ombre et se veut éternel en pavant de son passage, des vestiges encombrants...

Malgré les ouvertures nombreuses, les pièces sont sombres, comme si les ténèbres étaient tellement opaques que l’astre diurne ne pouvait en percer les défenses. Mes yeux mirent un moment à bien discerner ce qui était devant moi. La patience était de mise et déjà le contour des quelques meubles résiduels se dévoilait à moi. Des tables cochères à ma droite ainsi qu’un miroir lui faisant face. Quelques crochets en portemanteaux au nombre de six attendaient les habits des visiteurs. Les murs du vestibule, en planches lattées, étaient vierges d’ornement. Jadis, des portes françaises devaient faire barrières avec le reste de la maison, seules les charnières ornaient les murs et sur le sol, quelques éclats de verre ouvragés.

Hésitant, je décidai tout de même d’avancer un peu et de me familiariser avec mon dernier environnement, mon cercueil et ma mise en bière. Douleur en constat d’évidence, un filet de larme solitaire glissa lentement sur mon visage déconfit. Regrets en rasade sur un bilan de ce qui n’a jamais fait, je tremblais de cet état de fait.

La pièce qui jouxtait le vestibule était une grande salle où s’agençaient plusieurs utilités. Elle devait être le lieu le plus animé de la maisonnée. Un salon, où séjourne un Récamier ainsi qu’un fauteuil deux places. Quelques chaises pliantes étaient accoudées au mur pour les jours où les invités étaient plus nombreux. Un foyer, tout de cendres emplies, se tenait sagement entre les deux. Une table basse faisait office de porte-plat sur lequel reposaient d’ailleurs un cendrier et une assiette recouverte du gris de sa poussière. Je devinais sans peine les soirées qui devaient se tenir en cet endroit. L’animation en haut lieu de discussion, je les entends à se rabougrir des arguments salaces. D’ailleurs, qu’est-ce qui aurait pu y avoir d’autre dans ce vestige du passé douteux qui hante cet endroit?


Les échos des murmures en rumeurs bavassées emplirent alors mes oreilles me troublant plus encore.

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